Coup de bol, il aurait dû y avoir plus de victimes: l'un des djihadistes s'est fait pêter en bricolant une bombe dans son atelier.
A noter le timing: la semaine précédant l'attaque, Barcelone (comme Venise) était au centre d'une discussion sur le trop-plein de touristes. Pour des cinglés désireux de maximiser les victimes, l'idée a dû suivre son chemin...
"Depuis 13 ans, l'Espagne avait réussi à déjouer les attentats islamistes qui menaçaient son territoire. Ce jeudi 17 août, le pays a été frappé par plusieurs attaques liées entre elles, l'une à Barcelone, où une voiture-bélier a foncé sur la foule, faisant 13 morts et des centaines de blessés. Celle-ci a été revendiquée par l'Etat islamique. La seconde s'est produite quelques heures plus tard à Cambrils, tuant une personne et en blessant au moins six.
Le dernier attentat perpétré dans le pays remonte à 2004, dans la gare d'Atocha à Madrid, dans lequel 191 personnes sont mortes. Depuis, les services de sécurité ont réussi à endiguer le terrorisme, suscitant parfois l'admiration des pays européens voisins. 700 islamistes ont été arrêtés depuis 2004, précise Jean-Charles Brisard, président du Centre d'analyse du terrorisme, à L
'Express, et 40 cellules terroristes ont été démantelées. En 2015, 163 personnes soupçonnées de lien avec une organisation terroriste ont aussi été arrêtées.
La coopération entre Espagne et Maroc efficaceLa récente coopération de l'Espagne avec le Maroc en matière de lutte antiterroriste a porté ses fruits: en mai 2017, le ministre de l'Intérieur espagnol avait fièrement annoncé le démantèlement d'une cellule terroriste, composée de trois membres de l'Etat islamique, explique
Le Site Info. Un accord conclu entre les deux pays permet l'entrée d'agents "disposant d'un 'passeport de service' (diplomates; agents de force de sécurité) sans qu'ils aient besoin de visa. Ce type de passeports est souvent utilisé également par des membres des services de renseignement", explique un rapport du Centre Français de Recherche sur le Renseignement (CF2R).
Avant les attentats du 11 mars 2004, les services de police et de renseignement étaient concentrés uniquement sur l'organisation terroriste basque ETA. Seulement 150 agents étaient dédiés aux enquêtes sur les cellules islamistes, poursuit le rapport du CF2R.
Aujourd'hui, les structures de sécurité intérieure ont pour but principal de "renforcer les capacités de renseignement de l'intelligence policière, parallèlement à l'accroissement des capacités de renseignement des services secrets espagnols, c'est-à-dire le Centro nacional de inteligencia, dépendant du ministère de la Défense", expliquent Rogelio Alonso et Fernando Reinares dans l'ouvrage
"L'Espagne face aux terrorismes".
Arrestations "préventives"L'Espagne décide donc de mettre en place un nouveau cadre juridique, avec des arrestations dites "préventives". Javier Zaragoza, juge antiterroriste espagnol emblématique, explique sur
Arte:
- Citation :
- "Nous avons dû entreprendre des réformes du code pénal pour incorporer de nouveaux types de délits. Par exemple, l'endoctrinement avec un terroriste est devenu un délit. Il y a aussi l'endoctrinement passif: quand quelqu'un se laisse embrigader, c'est aussi un délit. Le recrutement, le fait de se déplacer dans une zone de conflits aussi.
Cette réforme pénale fait partie de ce que nous appelons la 'réponse préventive' à des activités, qui, si on les laisse impunies, vont générer un bouillon de culture propice à la fomentation d'actes terroristes".
Ainsi, l'Espagne se situe entre répression et intégration. Les "programmes de réinsertion sociale pour terroristes et formules de traitement pénitentiaire, action policière et de renseignement, innovations législatives et judiciaires, ainsi qu'une coopération internationale croissante" décrits dans "
L'Espagne face aux terrorisme" en font un pays qui innove en matière de politique antiterroriste.
Les jeunes entrent dans un processus de "déradicalisation" "En ce qui concerne les jeunes, âgés de 13, 14 ou 15 ans, nous les soumettons à la juridiction des mineurs, et non à la juridiction répressive", affirme Javier Zaragoza sur
Arte. En effet, ces jeunes entrent dans un processus de "déradicalisation", grâce à un suivi psychologique et une insertion professionnelle.
Au-delà des apprentis djihadistes, le
HuffPost Espagne indique que la communauté musulmane dans le pays compte parmi les mieux intégrées d'Europe. "En Espagne comme ailleurs, les communautés musulmanes ne peuvent que se sentir dévalorisées, voire même humiliées, par le fait de devoir prier dans des parcs ou des garages, écrit aussi le CF2R. Le fait de redonner une certaine dignité à la prière peut ainsi contrecarrer des dévoiements 'justifiés' vers le radicalisme".
En France, l'expérimentation du centre de déradicalisation de Pontourny a été qualifié de "fiasco" par la sénatrice EELV Esther Benbassa. Dans un rapport publié en février 2017, elle dénonce: "Le centre a fonctionné, au mieux, à moitié de sa capacité d'accueil maximale et il est désormais vide; aucun pensionnaire n'a poursuivi jusqu'à son terme le programme envisagé". Le 28 juillet dernier, Gérard Collomb annonce sa fermeture définitive.
Dénonciations de la populationAu lendemain de l'attentat de Nice, survenu le 14 juillet 2016, le ministère de l'Intérieur espagnol a appelé la population à dénoncer tout comportement suspect ou processus de radicalisation, relate
Le Figaro. Un site internet, "Stop Radicalisation", et une application, "Alertcops", permettent d'envoyer des alertes aux policiers.
Ces méthodes de dénonciation et de prévention sont cependant contestées par plusieurs juristes. Le juge Bermúdez explique à
Mediapart qu'elles sont totalement "absurdes du point de vue du droit pénal. "Toute personne est innocente jusqu'à ce qu'il soit démontré qu'elle est coupable. Sinon, je vous accuserais d'être un terroriste, je vous ferais incarcérer et vous n'auriez aucun moyen de démontrer que vous ne l'êtes pas. C'est diabolique. Les droits et garanties protègent l'homme honnête, pas le délinquant. Cela le met à l'abri de deux choses: l'erreur judiciaire et l'arbitraire".
Un passé historique arabe et la reconquête d'"Al-Andalus"Malgré le succès de la lutte antiterroriste espagnole, le pays reste exposé à l'islamisme radical. "Parmi les 200 islamistes interpellés depuis cinq ans, un tiers vient d'ailleurs de la Catalogne, poursuit Jean-Charles Brisard auprès de L
'Express. On trouve également des foyers de radicalisation à Ceuta et Mellila, les deux enclaves espagnoles au Maroc, ainsi qu'à Madrid".
L'Espagne possède aussi un passé historique arabe, revendiqué depuis plusieurs années par les organisations terroristes voulant la reconquérir. Dans une vidéo de propagande datant de 2014, un djihadiste déclare: "Je lance un avertissement au monde entier: nous vivons sous la bannière de l'Islam, le Califat islamique. Nous mourrons pour lui jusqu'à la libération des territoires occupés, de Jakarta à l'Andalousie. Et je déclare: l'Espagne est le pays de notre ancêtres et nous allons le reprendre avec la puissance d'Allah", indique
LCI. Cette zone géographique, baptisée "Al-Andalus", avait été occupée au Moyen-Âge par les musulmans.
En avril 2015, la ville de Barcelone avait déjà fait l'objet de projets d'attentats. Après plus d'un an d'investigations, la police catalane avait réussi à démanteler un réseau djihadiste dont les dix membres étaient affiliés à l'Etat islamique. Ils visaient plusieurs monuments touristiques de la ville ainsi que les bâtiments des forces de l'ordre, relate
l'Indépendant.
Environ 200 Espagnols présents en zone irako-syrienne contre 700 FrançaisAvec 204 ressortissants présents en zone irako-syrienne recensés le mois dernier, l'Espagne est "le huitième pays de l'Union européenne en terme de contingent, poursuit Jean-Charles Brisard auprès de
l'Express. La France se situe loin devant avec 700 ressortissants sur place".
Montserrat Dominguez, directrice éditoriale de l'édition espagnole du
HuffPost, insiste sur l'importance de la collaboration internationale, qui s'est "intensifiée tout au long des dernières années, et à partir de là, l'importance de l'Espagne, après des décennies de lutte antiterroriste, reste essentielle"."
Source: http://www.huffingtonpost.fr/2017/08/18/rigee-en-exemple-europeen-de-lantiterrorisme-avant-les-attaque_a_23151361/?utm_hp_ref=fr-attentat-de-barcelone