Régionales - Le FN de Marine Le Pen, premier parti d'opposition
Le FN confirme sa dynamique en obtenant 6,02 millions de voix au premier tour des régionales. Un choc pour les partis de gouvernement.
"Mon père a débroussaillé. Moi, je veux le pouvoir !" Voilà ce que clamait Marine Le Pen en septembre 2010 lorsqu'elle faisait campagne pour succéder à Jean-Marie Le Pen à la tête du FN. Cinq années plus tard, force est de constater que son désir est en train de devenir réalité. Au lendemain du premier tour des élections régionales, le FN se maintient au second tour dans chacune des treize régions et arrive en tête dans six d'entre elles (Picardie-Nord-Pas-de-Calais, Provence-Alpe-Côte d'Azur, Alsace-Lorraine-Champagne-Ardenne, Midi-Pyrénées-Languedoc-Roussillon, Centre-Val de Loire, Bourgogne-Franche-Comté).
Avec une participation près de 30 points en recul par rapport à la présidentielle 2012, le FN égale presque le record historique en voix qu'il avait réalisé : 6,42 millions à l'époque, 6,02 dimanche 6 décembre. En région Picardie-Nord-Pas-de-Calais, Marine Le Pen obtient le score écrasant de 40,64 %, loin devant ses rivaux PS (18,12 %) et LR (24,97 %). En Provence-Alpes-Côte d'Azur, Marion Maréchal-Le Pen recueille 34,91 % des voix, surclassant le candidat PS (29,67 %) et celui des Républicains (19,07 %). En Normandie, le candidat FN Nicolas Bay crée la surprise en obtenant 27,71 % des suffrages et arrive ainsi au coude-à-coude avec le candidat LR-UDI Hervé Morin (27,91 %).
Les villes gérées par le FN votent... FNJadis, c'était soit le PS soit l'UMP (rebaptisée LR) qui remportait la mise lors des élections intermédiaires lorsqu'il était dans l'opposition au gouvernement en place. Désormais, le FN s'impose comme la principale force d'opposition. "Incapable de se remettre en cause, la classe politique va se trouver des excuses pour expliquer notre score comme les attentats du 13 novembre. Mais la réalité, c'est que le FN enregistre la confiance des Français élection après élection", a commenté Marine Le Pen lundi matin depuis la permanence de son parti à Lille. Il est vrai que dans les onze villes gagnées par le parti lepéniste lors des municipales de 2014, les têtes de liste FN écrasent largement leurs rivaux de droite comme de gauche. À Hénin-Beaumont (Pas-de-Calais), la ville de Steeve Briois, le FN obtient 59,36 % des voix contre 14,40 % pour le PS et 11,26 pour LR. Dans la ville de Beaucaire (Gard), tenue par Julien Sanchez, le FN caracole en tête avec 59,68 % des voix devant le PS (10,70 %) et LR (9,72 %). Il en est de même à Béziers (Hérault), au Pontet (Vaucluse), à Fréjus, au Luc ou Cogolin (Var), à Mantes-la-Ville (Yvelines), à Hayange (Moselle), et dans le 13e arrondissement de Marseille.
Implantation localeDimanche 13 décembre, le FN a les moyens de remporter une ou plusieurs régions et peut faire élire des conseillers régionaux dans chacune des régions. De quoi satisfaire la cheftaine frontiste qui a fait du maillage du territoire et de l'implantation locale ses obsessions. Les conseillers régionaux élus dimanche 13 décembre – lors de la précédente mandature, le FN disposait de 118 élus régionaux – viendront s'ajouter aux 1 600 conseillers municipaux élus en 2014 et aux 62 conseillers départementaux élus en mars 2015.
Pour les partis de gouvernement, c'est un choc sans précédent. Le patron des Républicains Nicolas Sarkozy ne rêvait-il pas tout haut d'une vague bleue ? N'aspirait-il pas à s'ériger en barrage contre la poussée du FN en vue de la présidentielle 2017 ? Dimanche soir, l'ex-chef de l'État a tenté de cacher sa déception, mais sans ouvrir la porte à une remise en question : "Je veux dire à tous ceux qui ont fait le choix du FN que nous entendons leurs inquiétudes, mais qu'ils n'obtiendront aucune réponse d'un parti dont les propositions aggraveraient dramatiquement la situation de la France et créeraient les conditions de dangereux désordres dans leur région comme dans notre pays."
Le gouvernement et l'état-major du PS sont aussi secoués, d'autant plus qu'ils ont décidé du retrait de leurs listes en Picardie-Nord-Pas-de-Calais et en Paca pour faire barrage au FN. La gauche n'aura donc aucun élu dans ces deux régions pendant les six prochaines années.
Qui arrêtera le FN ? Après le second tour, les deux partis de gouvernement rentreront-ils dans une phase d'introspection ? L'un et l'autre ont tendance à considérer que le vote FN est essentiellement un vote protestataire, destiné à dire "merde au système". Et si le vote FN était devenu un vote d'adhésion ? Gauche et droite assurent qu'il existe un devoir moral à faire barrage au FN. C'est le parti du "sectarisme, de la violence, de la négation du droit des femmes et des valeurs de la République" (dixit le maire de Nice LR Christian Estrosi) ; "il faut lutter contre la menace d'une extrême droite xénophobe et à part dans la République, qui profère des insultes, qui s'attaque à ce qui fait l'égalité homme-femme", exhorte le maire PS de Dijon et ex-ministre François Rebsamen.
Marine Le Pen en rigole : "On encaisse 5 000 insultes par jour. Prenez conscience que cela ne fonctionne pas. C'est comme lancer de l'eau sur un iceberg : cela ne le réduit pas, cela le fait grossir ! Nos électeurs ne céderont pas face à l'intimidation." Qui arrêtera donc le FN ? Première réponse au soir du second tour dimanche 13 décembre.